Le photographe, connu pour ses livres sur Le Tour de France et son dernier "Uniforms," explique sa demarche et l'historique de l'expo chez Agathe Gaillard:
Après plus de huit ans et demi, je me suis trouvé dans une impasse (comme le film d’un certain réalisateur italien). Après être resté tout ce temps focalisé sur un premier travail documentaire «Uniforme(s)» (les Editions du Seuil 2002 et l’expo photo de même année pendant le mois de la photo chez Agathe Gaillard) sans penser au lendemain, je me suis trouvé au bord d'un vide créatif effrayant, mais à la juste mesure, après tout, des efforts laissés derrière moi.
Que faire? Je n'en savais absolument rien, il ne me restait qu'un mot en perspective: recommencer. Regarder, viser (ou pas), déclencher, libre et sans but, en quelque sorte. Sans planning et sans cahier des charges. Plus encore: sans thème directeur.
Je photographiais alors tout ce que j'aimais de façon pulsionnelle et sans discrimination d'aucune sorte. Le matériel lui-même était, sinon indifférent, du moins improvisé - je prenais ce qui me tombait alors sous la main au gré des circonstances. Je dois dire que j'ai longtemps poursuivi la pureté des grands formats (spécialement du 6x6): j'ai donc mis un certain temps à accepter que ces formats n'était pas conciliables avec ma façon impromptue et flashée d’attaquer la photographie.
Pendant des mois j'ai expérimenté le montage d'un flash sur mon vieux Mamiya, avant de voir pousser les fruits de ce travail. C'était au soir d'un week-end londonien, où j'avais vu une fille "néo-gothique" superbement affublée d'un tee-shirt "Save the planet, Kill Yourself", que le déclic m'est venu. Visionnant le résultat de mes planches, j'était sur que j'avais trouvé mon prochain sujet.
J'avais beaucoup usé du format rectangulaire, en cherchant toujours à remplir le cadre, quitte à incliner le boîtier. Le format carré me semblait alors restrictif.
Ce projet m'a réconcilié avec le déconcertant équilibre du format carré, le plus apte à centrer l'attention sur les messages arborés par les porteurs de tee-shirts, à concentrer mon regard sur les leurs, sur leur messages ironiques, tour à tour hédoniste ou absent, mais toujours plein de sens, d'humeur au sens le plus physique et donc le plus littéral du terme.
Sur l'exposition, critique d'art, Christophe Donner, a écrit:
Lorsque James Startt le rencontre, son sujet a fait la moitié du chemin qui mène à la photo. Il a jailli de la masse, il s’en est détaché pour se présenter à celui qui le guettait, mais avant ça, depuis ce matin il est là dans sa tête à se demander ce qu’il va mettre, ce qu’il va dire. La journée du manifestant sera perdue s’il ne rencontre pas le regard de l’autorité, celle qui a fait l’autre moitié du chemin vers l’instant photographique. Ce désir d’être pris, de s’offrir, là, dans la rue, il est cousin de l’excitation de dire, plus que de la nécessité. Dire est une affaire sensuelle, tactile, la parole n’est plus rien sans le support, le tissu a influencé la revendication qui ne tiendrait pas sur une pancarte et qui ne sera jamais crié, et surtout : jamais reprise par quelqu’un d’autre. En donnant à la phrase la possibilité de mouler d’énormes nichons, de dévoiler grossesses et grosseurs, le coton s’impose comme une stèle littéraire d’un genre nouveau.
Fashion writing, mais pas que ça. Body art, mais au soleil, car James Startt en appelle toujours à cette forme particulière de lumière qui vient frapper le sujet et l’objectif, un peu, plus ou moins selon la violence qu’il retient de l’instant. C’est toujours le reflet du soleil qui unit le photographe à ses modèles, il joue de son inopportunité comme avec un feu qui pourrait tout brûler. Il prend le risque et donne à voir ce risque comme l’essence du mouvement. Chez les cyclistes, ce qu’il attrape, c’est l’éclat solaire de la souffrance, et là, dans ce débraillé social, le long de la paresse urbaine des marcheurs endimanchés, c’est aussi l’éclat d’intelligence au milieu du désastre en liesse. Quand on pense aux modèles de William Klein, en voyant ceux de Startt, on est frappé par l’inconscience des premiers, et la sapience des autres : l’écriture a tout changé. Les premiers criaient, ceux-ci sont muets, comme si, entre temps, on avait abandonné au tissu, à la matière, à la manufacture et à l’actualité, abandonné l’oralité de nos plaintes. Reste cependant, chez nos anciens comme chez nous, le même bonheur d’être reconnu dans la foule.
Le livre, 80+ pages, en couleur, est disponible direct du photographe (et signé): Contactez Startt direct pour votre copie.
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